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Transcription of Justification du Calcul des infinitésimales par celuy de l’Algèbre ordinaire (1702)

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Justification du Calcul des infinitesimales par celuy de l’Algebre ordinaire

[Defense des infinitésimales par le calcul de l’Algebre ordinaire suivant son usage conforme à la Loy de continuité – V1]

Deux droites AX et EY se coupant en C, prenons des points E et Y, et menons EA et YX perpendiculaires à la droite AX. Appellons AC, c et AE, e ; AX, x; et XY, y. Donc à cause des triangles semblables CAE, CXY, il y aura c-x à y comme c à e; et par conséquent si la droite EY approchoit de plus en plus du point A, gardant tousjours le même Angle au point variable C; il est manifeste, que les droites c, et e diminueroient tousjours, mais que cependant la raison de c à e demeureroit la même, la quelle nous supposerons icy estre autre que la raison de l’égalité, et le dit angle autre que demidroit.

Posons maintenant le cas que la droite EY vienne ainsi tomber en A même ; il est manifeste que les points C et E iront aussi tomber en A ; que les droites AC, AE, ou c et e, evanouiront ; et que de l’analogie ou équation \frac{x-c}{y}=\frac{c}{e} sera fait \frac{x}{y}=\frac{c}{e}. Donc dans le cas présent il y aura x-c=x ; Supposant, que ce cas est compris sous la regle generale. [added – V2]. Et neantmoins c et e ne seront point des riens absolument, puisqu’elles gardent ensemble la raison de CX à XY, ou celle qui est entre le sinus entier ou rayon, et entre la tangente qui convient à l’angle en C ; lequel Angle nous avons supposé estre tousjours demeuré le même pendant qu’EY approchoit du point A. Car si c et e estoient des riens absolument dans ce calcul reduit au cas de la coincidence des points C, E, A ; comme un rien vaut l’autre, c et e seroient egales, et de l’équation ou analogie x:y=c:e seroit fait x:y=0:0=1 c’est à dire il y auroit x=y, ce qui est une absurdité, puisque nous avons supposé que l’angle est autre que demidroit. Donc c et e dans ce calcul d’Algebre ne sont prises pour des riens que comparativement par rapport à x et y, mais cependant c et e ont du rapport l’une à l’autre, et on les prend pour des infinitésimales, tout comme les elemens que nostre calcul des differences reconnoist dans les ordonnées des courbes ; c’est à dire pour des accroissemens et decroissemens momentanées. Ainsi on trouve dans le calcul de l’Algebre ordinaire les traces du calcul transcendant des differences, et ces memes singularités dont quelques sçavans se font des scrupules. Et meme le calcul d’Algebre ne sauroit s’en passer s’il doit conserver ses avantages, dont un des plus considerables est la generalité qui luy est düe afin qu’il puisse comprendre tous les cas, meme celuy ou quelques droites données evanouissent. Ce qui seroit ridicule de ne vouloir point faire et de se priver volontairement d’une des plus grandes utilités. Tous les Analystes habiles dans la specieuse ordinaire en ont profité, pour rendre leur calculs et constructions generales. Et cet avantage appliqué encor à la physique et particulierement aux loix du mouvement revient en partie à ce que j’appelle la loy de la Continuité qui me sert depuis long temps de principe d’invention en physique, et encor d’examen [added V2] fort commode pour voir si quelques regles qu’on donne, vont bien ; dont j’avois publié il y a plusieurs annees un echantillon dans les nouvelles de la Republique des lettres, prenant l’egalité par [pour] un cas particulier de l’inegalité et le repos pour un cas particulier du mouvement, et le parallelisme pour un cas de la convergence [added – V2] etc. supposant non pas que la difference des grandeurs qui deviennent egales est deja rien, mais qu’elle est dans l’acte d’evanouir; et de meme du mouvement, qu’il n’est pas encor rien absolument, mais qu’il est sur le point de l’estre. Et si quelqu’un n’en est point content, on peut luy faire voir à la façon d’Archimede, que l’erreur n’est point assignable et ne peut estre donnée par aucune construction. C’est ainsi qu’on a repondu à un Mathematicien [une personne – V1] tres ingenieux d’ailleurs, le quel, fondé sur des scrupules semblables à ceux qu’on oppose à nostre calcul [added – V2], trouve à redire à la quadrature de la parabole, car on luy a demandé si par quelque construction il peut assigner une grandeur moindre que la difference qu’il pretend estre entre l’aire parabolique donnée par Archimede et la veritable : Comme on peut tousjours faire lorsqu’une quadrature est fausse.

Cependant quoyqu’il ne soit point vray à la rigueur que le repos est une espece de mouvement, ou que l’egalité est une espece d’inégalité; comme il n’est point vray non plus que le Cercle est une espece de polygone regulier: neantmoins on peut dire, que le repos, l’egalité, et le cercle terminent les mouvemens, les égalités, et les polygones reguliers, qui par un changement continuel y arrivent en evanouissant. Et quoyque ces terminaisons soyent exclusives, c’est à dire non-comprises à la rigueur dans les varietés qu’elles bornent, neantmoins elles en ont les proprietés, comme si elles y estoient comprises, suivant le langage des infinies ou infinitesimales, qui prend le cercle, par exemple, pour un polygone regulier dont le nombre des costés est infini. Autrement la loy de la continuité seroit violée, c’est à dire puisqu’on passe des polygones au Cercle, par un changement continuel, et sans faire de saut, il faut aussi qu’il ne fasse point de saut dans le passage des affections des polygones à celle du Cercle [par la fiction des infin grand V1 deleted ; par la supposition des grandeurs infinies ou infinitesimales V1].

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