See a transcription for the manuscript

Translation of Prima calculi magnitudinum elementa

Premiers éléments du calcul des grandeurs démontrés dans l’addition et la soustration, et l’usage pour ceux-ci des signes + et –

(1) La Grandeur est ce qui, dans la chose, est exprimée par un nombre de parties déterminées.

Scolie. Par exemple on considère que la grandeur de la toise (autant qu’un homme peut étendre les bras) est exprimée par le nombre de six pieds, ou (parce que le pied est de 12 pouces) par le nombre de 72 pouces ; la grandeur de la brasse ou coudée par le nombre un et demi de pieds, ou par un pied et 6 pouces.

(2) a, b et les notations semblables signifient des nombres exprimant la grandeur des choses, qui doivent être assignés à celles-ci, étant posé qu’il y a quelque chose à laquelle une unité est assignée, ce que nous appelons Mesure.

Scolie. Soit p le pied, π le pouce, a la toise, c la coudée, p sera 12π, a sera 6p ou 72 π, c sera 1p + 1/2p ou 3/2p, ou 1p + 6π ou 18π. D’où, si p (le pied) est la mesure ou si on lui assigne l’unité, a sera 6, c sera 3/2, π sera 1/12 ; si π (le pouce) est la mesure ou l’unité, p sera 12, c sera 18, a sera 72. Si l est le côté d’un carré, sa diagonale d sera comme l , ou si l est 1, d sera .

Homogènes entre elles sont les choses dont les grandeurs peuvent être exprimées par des nombres, une fois la même unité prise pour mesure.

(3) Egaux sont ceux qui peuvent être substitués l’un à l’autre en conservant la grandeur. Et ceci est désigné ainsi : a = b, c’est-à-dire que a peut-être partout substitué à b dans un calcul de grandeur, et un tel énoncé est dit équation, comme dans les nombres 1/2 = 3/6, dans les lignes le pied = 12 pouces, ou p = 12 π.

(4) Axiome : a = a

(5) Théorème : Si a = b, il s’ensuit que b = a.

En effet, puisque a = b (par hypothèse), alors b peut être substitué à a (par (3)). Que soit donc substitué b à la place du premier a dans l’équation a = a (vraie par l’axiome (3) [4]) ; cela fera b = a. Ce qu’il fallait démontrer.

(5) [6] Théorème. Si a = b et b = c, on aura a = c, ou comme on l’énonce communément : les égaux à un troisième qui sont égales à un troisième, sont égaux entre elles.

En effet, puisque a = b (par la première hypothèse), on pourra y substituer à b son égale c (par la deuxième hypothèse), et de a = b, il viendra a = c. CQFD.

ADDITION

(6) [7] Définition. Si plusieurs grandeurs posées simplement, comme a, b, de sorte qu’il en vienne une nouvelle homogène à celles-ci, comme m, l’opération est dite Addition, la nouvelle équation est dite somme et sa représentation sera la suivante : + a + b = + m. Et + ou plus sera le signe de l’addition, c’est-à-dire de la simple position. Il en va de même pour plusieurs, comme lorsque l’on a : + a + b + c = + m

Scolie : la chose se réduit en fait à une simple addition de nombres par lesquels, du fait qu’une même chose est posée comme unité, les grandeurs sont exprimées.

(7) [7] Théorème. + a + b = + b + a.

Cela ressort clairement de ce qui précède parce qu’il n’y a rien ici qui se réfère à l’ordre dans lequel les choses sont placées ensemble ; il suffit qu’elles soient posées l’une avec l’autre.

(8) [9] Explication. Le signe + peut être mis devant toute notation de grandeur posée sans signe, ou être entendu comme mis devant. Mais on a coutume de l’omettre souvent au début, ainsi a = + a, et a + b = + a + b. D’où aussi ++ a = + a, de sorte que si l’on posait f = + a, on aurait a = + a = f (par hypothèse) = + f = ++ a.

(9) [10] Explication. + 0 + a = a, c’est-à-dire que 0 est le signe du rien, qui n’ajoute rien.

(10) [11] Théorème. Si tu ajoutes des égaux à des égaux, il en vient des égaux, c’est-à-dire que si a = l et b = m, on aura a + b = l + m.

En effet a + b = a + b (par 3 [4]), ainsi dans l’un des a + b, en prenant l pour a (par la première hypothèse), et m pour b (par la dernière hypothèse), ce qui est permis (par 2 [3]), et alors par a + b = a + b il viendra a + b = l + m. CQFD.

SOUSTRACTION

(11) [12] Soustraire b à a signifie que dans la grandeur, dans laquelle est posée a, est supposée une [grandeur] égale à b, et qu’on l’enlève, et ceci sera indiqué en écrivant : ab ou +ab. Donc, si dans la grandeur dans laquelle est a, on entend qu’il n’y a rien d’autre que b, il ne reste rien, et ainsi +bb = 0. Et – (le signe dénotant moins ou la soustraction) signifie que ce qui a été posé, ou son égal (c’est-à-dire en un mot sa quantité posée), devant être enlevé par la suite, reste le même jusqu’à ce que la grandeur soit ôtée et si elle doit être posée et ensuite enlevée à son tour, l’acte se réduira à rien. Si quelque chose subsiste, il est appelé reste.

(12) [13] Théorème : Si on retranche des égaux à des égaux, les restes sont égaux. Soit en effet a = l et b = m, on aura ab = lm. En effet ab = ab (par 3 [4]). Dans le second terme on pose l pour a (par l’hyp.1) et m pour b (par l’hyp. 2), donc de ab = ab, il vient ab = lm. CQFD.

 (13) [14] Théorème. Si à deux quantités tu retranches des quantités égales, et que les résidus soient égaux, alors ces quantités sont égales, c’est-à-dire, si l’on a ab = lm et b = m, on aura al.

Car si aux égaux ab = (par l’hyp. 1) lm, tu ajoutes les égaux (par l’hyp. 2) b et m, à savoir b dans le premier terme et m dans le second, il viendra (par 10) ab + b = lm + m, c’est-à-dire (par 11) a = l.

(14) [15] Théorème. Si à deux quantités tu enlèves des quantités égales, et que les restes sont égaux, alors ces quantités sont égales, c’est-à-dire, si a = l et ab = lm, on aura b = m.

En effet, ab = lm (par hyp. 2), donc en ajoutant des deux côtés b + m et b + m, on obtient (par 10) les égaux : ab + b + m = lm + b + m, donc (par 11 joint à 7) a + m = l + b ; si à ces égaux sont enlevés les égaux a et l (par hyp. 1), il vient (par 12) des restes égaux m = b. CQFD.

(15) [16] Théorème Si a = b + e, on aura ab = e.

En effet en enlevant b aux égaux de part et d’autre, viendront les égaux ab = b + eb, c’est-à-dire (par 11) ab = e. CQFD.

(16) [17] Théorème. Si a = – b, on aura b = – a.

En effet puisque a = – b (par hyp.), en ajoutant donc à ces égaux les égaux b et b (par 3 [4]), on aura (par 10), les égaux a + b = – b + b, donc (par 11) a + b = 0, c’est-à-dire (par 15) b = 0 – a, soit (par 10) b = – a. CQFD

(17) [18] Théorème. – a – – a = 0

En effet, que – a soit désigné par f, c’est-à-dire soit – a = f. Déjà f – f = 0 (par 3 [4]), donc en posant pour f son égal (par hyp) – a, il viendra – a – – a = 0. CQFD.

(18) [19] Théorème. – – a = + a.

En effet – a – – a = 0 (par 17) et 0 = – a + a (par 11), donc (par 5) – a – – a = – a + a, d’où, en ajoutant a de part et d’autre, viennent (par 10) les égaux + aa – – a = – a + a + a et de là (par 11) 0 – – a = 0 + a, c’est-à-dire (par 9) – – a = + a. CQFD.

(19) [20] Théorème. – + a = – a, ou + – a = – a.
C’est évident d’après (8)

(20) [21] Théorème. Dans toute équation, il est permis de rejeter un terme un membre d’un côté et de le poser dans l’autre, affecté du signe contraire.

Soit f + ab = h, je dis que cela donnera f = ha + b. En effet, dans l’équation (vraie par hyp.)

f + ab = h, on ajoute de part et d’autre – a + b, et il en provient f + a – b – a + b, c’est-à-dire (par 11) f = ha + b. CQFD.

(21) [22] Explication. Ce qui est signifié au sujet de la formule comprise sous le vinculum doit être entendu pour les membres inclus sous le vinculum pris séparément, par exemple – (+ ab) ou   signifie – (+ a) – (– b), soit (par 8) – a – – b, c’est-à-dire (par 18) – a + b.

(22) [23] Théorème. Ce qui doit être ajouté sera indiqué en maintenant les signes, soit f + (ab) = (par 21) f + ab.

En effet f + (ab) = f + a + – b = (par 19) f + ab.

(23) [24] Théorème. Ce qui doit être soustrait sera indiqué en changeant les signes, + en –, et – en +, soit f – (ab) = fa + b.

En effet f – (ab) = (par 20) fa – – b = (par 18) fa + b. CFD.

Autrement : Soit ab = e, je dis que c’est – e = – a + b, c’est-à-dire fe = fa + b. En effet, + ee = + aba + b (par 11), donc, à des égaux enlevant des égaux, là + e, et ici  + ab, resteront (par 12) les égaux – e et – a + b. CQFD

Application du calcul aux choses, où [l’on traite] du tout, de la partie, du plus grand, du plus petit, du positif et du privatif

(24) [25] Explication. Si, en explicitant les notations d’une formule au moyen des choses elles-mêmes, par exemple par des lignes droites ajoutées ou soustraites les unes aux autres, la soustraction ou le signe – disparaît à la fin, de sorte que ce qui est affecté du signe – (par ex – b) doit toujours être détruit par le moyen de la même masse affectée du signe + (à savoir + b), et qu’il ne reste à la fin dans la formule (ou ce qui lui est équivalent, par exemple une ligne), rien d’autre que ce qui est affecté du signe + : dans ce cas, l’ensemble de la formule est dite désigner une quantité positive ; si au contraire en définitive le signe + disparait, laissant un –, alors la formule désigne une quantité privative, soit moins que rien, c’est-à-dire telle qu’il faudrait lui ajouter quelque chose de même masse pour faire rien. Par exemple, si on avait la formule f + ab et que l’on ait f + a = e + b, et que toutes ces lettres fussent des quantités positives, qui sont expliquées par des choses, rien ne sera découvert dans l’ultime résolution comme contenant le signe –, et il est évident que f + ab signifie + e. En effet, dans cette formule, en substituant e + b à f + a, il vient e + bb, qui est e. Ce serait le contraire, si dans l’ultime résolution, il ne restait aucun signe +, comme si on avait la formule f + ad et que d soit f + a + g, alors f + ad signifiera – g. En effet, en substituant à la place de d dans la formule f + ad sa valeur, on aura f + afag, et il viendra – g. Il est alors évident que, quand deux quantités affectées de signes contraires sont associées, l’un ou l’autre des signes peut toujours être complètement ôté grâce à l’explication de l’une des quantités, dans la mesure où elle contient l’autre quantité (voir 11). Il est aussi évident que pour que la formule f + ad (qui signifie la quantité privative – g) soit rien, il faut ajouter g (soit + g, de même masse que – g, mais affecté du signe contraire), c’est-à-dire que l’on a f + ad + g = 0, parce que f + ad = – g ; et – g + g = 0, ou en reprenant la résolution f + ad = f + afag, donc f + ad + g = f + afag + g, c’est-à-dire 0.

Scholie. Que soient examinées deux figures, où dans la première (fig. 23), une progression se fasse selon la ligne droite f, et de là est ajoutée la droite a directement dans le prolongement, et que d’autre part une régression (désignée par les pointillés) se fasse à partir de l’extrémité de la droite ajoutée a, dans la même droite totale f + a selon un droite b : ainsi dans la droite f + a, il reste e ; au point que l’on ait f + ab = e.

[Fig. 1]

Dans la seconde (fig. 24) que la progression soit comme avant, mais que la régression dans la même f + a se fasse par la droite d plus grande que f + a, et l’excédant de la quantité g. Il en résulte qu’une telle progression est fausse ou putative [NDT : nous traduisons putativus qui est sur le manuscrit initial de Leibniz et que Gerhardt a transcrit à tort en putatitius], et ainsi ce qui se pense comme une progression serait en fait une régression de quantité ou de masse g, et f + ad = – g. C’est pourquoi le signe + désigne une progression et le signe – une régression, ce qui peut être également compris dans les lignes, et de même dans d’autres choses, comme une augmentation et une diminution, ou encore des recettes ou des dépenses.

[Fig. 2]

(25) [26] Définition.  Si a + b = f et que les quantités de ces a, b, f sont positives, on dit que f est le tout et a, b sont dites des parties. Et de même s’il y a en plus, comme a + b + c = f. Il est donc demandé que les quantités puissent être ajoutées ou enlevées entre elles et en même temps, quelle soient positives.

(26) [27] Définition. Plus petit est ce qui est égal à une partie de l’autre, à savoir la plus grande, par ex. soit f = a + b et g = a, on dit que f est plus grand et g plus petit et on écrit f Γ g et g  f.

Scholie. Par ailleurs, il est nécessaire de faire attention dans l’expression de la définition du tout et de la partie, et à plus forte raison pour ce qui relève du plus grand et du plus petit, à ce que a, b, f soient ici des quantités positives, autrement si on a a + b = m, il ne s’ensuit pas que m est plus grand que a ou b, ou que celles-ci sont des parties de ce m, même si elles sont des membres de la formule égaux à ce m, en effet, il pourrait se faire que b, par exemple, soit en fait une quantité négative égale à – d, d étant posé positif, et a subsistant dans le même temps comme positif ; pour a + b = m, on aura ad = m. D’où il ressort que a serait plus grand que m, mais il s’en faut de beaucoup qu’il puisse être sa partie.

(27) [28] Théorème. La Partie est plus petite que le tout, ou le tout est plus grand que sa partie.

Soit a + b = f, a sera plus petit que f. En effet a est égal à lui-même (par 3 [4]) ; maintenant ce qui est égal à ce a est plus petit que a + b, soit que f (par 26), donc a est plus petit que f. CQFD.

(28) [29] Définition. Homogènes ou comparables sont les choses dont la quantité de l’un peut être soustraite à la quantité de l’autre, une fois ou plus souvent, de sorte qu’après soustraction, il ne reste rien, ou quelque chose de plus petit.

(29) [30] Théorème. Deux choses homogènes sont donc égales si l’une n’est ni plus petite ni plus grande que l’autre.

En effet, elles sont homogènes (par hypothèse) donc (par 28) la quantité de l’une d’elles peut être soustraite à la quantité de l’autre une fois, ou il ne reste rien, de ce fait elles seraient égales (par 11) ou bien il reste quelque chose, (lui-même à nouveau plus petit ou plus grand) et il [ce quelque chose] sera alors égal à une partie de celle à laquelle a été faite la soustraction (voir 11) de sorte que (par 26) elle sera plus petite. CQFD.

(30) [31] Théorème Le plus grand que le plus grand est plus grand que le plus petit, c’est-à-dire si a Γ b et b Γ c  on aura a Γ c.
En effet, puisque a Γ b (hyp. 1), on aura (par 26) a = b + l. Et parce que (hyp 2) b Γ c, on aura (par 26) b = c + m. Que la valeur de ce b soit substituée (par 2) à la place du même b dans l’équation trouvée a = b + l, et il en viendra a = c + m + l. Donc (par 26) a Γ c. CQFD.

(31) [32] Problème trouver b la moyenne arithmétique entre a et c ; i.e. tel que b soit d’autant plus grand que a (le plus petit) qu’il est plus petit que c (le plus grand).

Construction. Additionnons en une chose a et c et la moitié de la somme sera le b cherché.
En effet, parce que (par Hyp de construction), b est la moitié de a + c, le double de b sera égal à deux fois la moitié, ce qui est le tout a + c, soit a + c sera égal au double de b, c’est-à-dire qu’il viendra a + c = b + b. Donc, (par 20) ab = bc. C’est-à-dire que les différences des extrêmes à la moyenne b seront égales, ou encore l’excès de a sur b sera égal à l’excès de b sur c. CQFD.

See a transcription for the manuscript