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Translation of Mathesis Generalis (1699 – 1700)

(1) La Mathesis Generalis est la Science de la grandeur considérée de manière universelle et comporte deux parties : la Science du fini, c’est-à-dire l’Algèbre, que l’on exposera d’abord, et la Science de l’infini, qui vient tout juste d’être établie.
(2) La Grandeur est ce qui est désigné par le nombre de parties congruentes. Ainsi la grandeur de la toise est ce qui est désigné par un sénaire de pieds, les pieds sont en effet congrus entre eux, ou ce qui est désigné par le nombre de 72 doigts, si nous prenons pour mesure le doigt qui est la douzième partie du pied. Ainsi le nombre général désignant la  grandeur varie selon la mesure à répéter, que l’on peut prendre de diverses façons.
(3) Le nombre entier est le tout collecté à partir d’unités prises en tant que parties ; ainsi les définitions des nombres procèdent comme ceci :
(4) Deux est un et un
Trois est Deux et un
Quatre est Trois et un
Cinq est Quatre et un
Et ainsi de suite
(5) Et leur désignation usuelle est la suivante :
0 Zéro
1 Un
2 deux
3 Trois
4 Quatre
5 Cinq
6 Six
7 Sept
8 Huit
9 Neuf

Et ainsi de suite, comme il sera complètement exposé en son lieu. Et que le suivant provient du précédent le plus proche par addition de un.


(6) A partir de ces définitions, on peut démontrer divers Enoncés Numériques, par exemple que Deux et Deux sont quatre est démontré ainsi : Deux et deux sont deux et un et un. Maintenant Deux et un et un sont trois et un. Et enfin trois et un sont quatre. Donc deux et deux sont quatre. QED.
(7) La Grandeur est désignée par des nombres généraux, c’est-à-dire par des lettres a, b, etc. Ainsi si la toise est désignée par a, on entendra par la lettre a naturellement 6 pieds, ou par exemple 72 doigts, ou un autre nombre quelconque faisant exactement pareil, mais différent selon la dénomination des diverses mesures.
(8) Sont égales les choses dont la grandeur est la même et l’égalité est désignée par la notation = , par exemple deux et deux = quatre, ou 2 et 3 = 5. D’où vient que des égaux peuvent être substitués l’un à l’autre la grandeur étant préservée.
(9) Plus petit est ce qui est égal à une partie d’une autre chose, dite Plus grande. Ainsi la coudée est plus petite que la toise. Elle est en effet égale à une partie de la toise consistant en deux pieds. a > b ou b < a signifient que a est plus grand et b est plus petit.
(10) Cet axiome est indémontrable : une chose quelconque est égale à elle-même.
(11) La partie est plus petite que le tout. En effet une partie est égale à une partie du tout, et de fait à elle-même (par l’axiome de l’article 10), et une partie du tout est plus petite que ce tout par l’artic. 9. Donc la partie est plus petite que le tout, ou le tout est plus grand que la partie.

(11.2) Les grandeurs de toutes les parties n’ayant aucune partie commune prises simultanément font la grandeur du tout. En effet, le tout est la même chose que toutes ses parties. D’où vient que la grandeur du tout coïncide avec les grandeurs de toutes les parties prises simultanément, du moment que l’on ne pose pas de nouvelle grandeur : ce qui revient à ne pas poser de parties ayant une partie commune, dont la grandeur serait posée deux fois ; désormais nous comprendrons donc toujours dans ce calcul les parties comme n’ayant aucune partie commune.

(12) Il y a Addition si de plusieurs grandeurs en résulte une, de telle sorte que rien d’autre ne soit nécessaire que de les poser simultanément, et alors certes on posera devant chacune le signe + c’est-à-dire plus, de sorte que si a, et b, et c sont conjointes pour faire m,  + a + b + c = m, comme 2 + 3 + 4 = 9.
(13) Ainsi donc l’ordre des membres n’est pas important, et on aura donc
+ a + b = + b + a ; ou = 2 + 3 = + 3 + 2.
(14) Et il est d’usage d’omettre ordinairement le signe + quand il est placé devant le premier membre et de le sous-entendre, en particulier à la place de + a + b, on a coutume d’écrire a + b.
(15) Et de même toutes les fois que l’on posera simplement une lettre ou un nombre, il est compris qu’est placé devant le signe +.
(16) Mais l’addition ou ce qui est désigné par le signe +, est à vrai dire la progression, c’est-à-dire ce par quoi une grandeur croît. Comme si dans la ligne droite R, un mobile allant de R vers S accomplit d’abord RT, à savoir a pieds ou encore 2 pieds, ensuite jusqu’à TV, à savoir b pieds, ou encore 3, il accomplira la somme RV, qui vaut e, c’est-à-dire 5 pieds, et on aura  a + b = e, soit 2 + 3 = 5, soit RT + TV = RV


(17) Mais la Régression ou Soustraction, ou diminution de grandeur, est désignée par le signe -, qui signifie moins. D’où il découle que si le mobile ayant progressé de R vers V  régresse de là à X par VX, soit 4 pieds ou c, la progression sera RT + TV – VX = RX , soit a + bc, ou encore 2 + 3 – 4 = 1.

Et si la Régression est supérieure à la progression, cela produira au total une fausse progression, qui sera à la vérité une Régression. Et une telle progression sera moindre que zéro, et le nombre qui la désignera sera dit moindre que rien. Comme si le mobile ayant progressé à V régresse par VY jusqu’à Y, il se produira RT + TV – VY = RY soit a + bf = g, soit 2 + 3 – 6 = – 1, et g, c’est-à-dire RY, sera une quantité moindre que rien, c’est-à-dire négative; il manque en effet autant lorsque nous progressons de cette façon que lorsque nous revenons plutôt après avoir glissé en arrière. De même que si un bateau est porté par le vent au lieu de destination à la vitesse a + b, quand assurément il est insensible au courant de l’eau ; quand au contraire, il est porté [scil. par le courant] à une vitesse f, il ne gagne pas, mais perd. Il en est de même si les dépenses excèdent les revenus ; ainsi en effet le corps des biens sera une quantité moindre que rien, et celui qui en acceptera l’héritage sans bénéfice d’inventaire subira un préjudice au lieu de bénéfice. Mais il faut que la régression en dessous de rien de la chose dont c’est la progression soit possible, comme dans le patrimoine, s’il est estimé non selon la possession corporelle, mais selon le droit patrimonial.

(18) Il est donc parfois incertain si une progression est vraie ou fausse, et si g, c’est-à-dire ef est une quantité positive ou négative. En attendant, sa masse sera la différence entre e et f, laquelle quantité est toujours positive. Mais si nous faisions fe = h, nous aurions g = – h, et ces deux-là auraient assurément la même masse, mais des signes opposés. De sorte que l’un existant de manière positive, l’autre soit négatif, sans qu’on puisse savoir lequel, sauf s’il est évident que des deux membres e et f l’un est plus grand : car si un plus grand est soustrait à un plus petit, le reste sera moindre que rien, c’est-à-dire sera une régression.
(19) De cela, il ressort également de façon manifeste que la fausse progression est une régression, et inversement que la fausse régression est une progression, c’est-à-dire que la progression est la régression de la régression. En effet, que l’on parle de progression ou de régression dépend à la vérité seulement de la destination. Si deux personnes étaient dans le même bateau, avec des destinations contraires, ce qui serait pour l’une une progression serait pour l’autre une régression. Et ainsi, si le mobile avance de R vers la région S via RV, et régresse vers [la région] K via VY, la régression au total sera de R vers Y. Mais se dirigeant à partir de V vers K, où l’on parviendra à Y, qu’on soit requis d’aller en sens contraire vers S, par YZ, c’est-à-dire par une régression de 7, ce sera en fait une progression. De fait, si la régression est VY –YZ = VZ, c’est-à-dire 6 – 7 = – 1, alors donc la régression sera de – 1, c’est-à-dire que la progression sera de + 1 pour aller de V à Z. De cela, il ressort clairement que si quelque chose est diminué d’une quantité moindre que rien, il est augmenté, de la même manière que pour celui à qui l’on dit qu’on lui enlève une dette, ou un héritage préjudiciable accepté sans bénéfice d’inventaire.
(20) Et ces choses sont certes vues pour fournir une aide à l’imagination, mais maintenant nous établirons des propositions précises qui pourraient être les fondements des démonstrations. Et pour commencer :
(21) Si a = b et c = b on aura a = c. ou, comme on l’énonce couramment, les égaux à un troisième sont égaux entre eux.
Ce que l’on peut démontrer ainsi : dans la première prémisse, a = b, on peut à b substituer son égal (par l’art. 8), qui est c (par la prémisse seconde : b = c) et la conclusion arrivera : a = c.
(22) Si à des égaux sont ajoutés des égaux, des égaux seront obtenus. Soit a = b et l = m, on aura a + l = b + m. Démonstration : a + l = a + l (par l’axiome de l’article 10). Pour a dans le membre postérieur, posons b et pour l dans le membre postérieur posons m, ils sont en effet, par hypothèse, respectivement égaux, et des égaux peuvent être substitués entre eux par l’article 8. On aura donc a + l = b + m.
(23) Si on enlève à des égaux des égaux, les restes sont égaux. Soit en effet a = b et l = m, on aura al = bm. La démonstration est la même que ci-devant.
(24) Si e = + a + b, on aura – e = – a  – b.  Si on devait enlever 5, et que l’on enlève 2, et de même 3, c’est-à-dire – 5 =  –2 – 3. Cela est évident d’après l’article 11.2.
(25) aa = 0, c’est-à-dire : si l’on ajoute autant que l’on enlève, le reste est rien ; ou encore, si la progression est égale à la régression, il n’y a au total ni progression ni régression ; cela vient de la signification même des notations.
(26) 0 + a = a = – 0 + a, c’est-à-dire que 0 peut être ajouté ou enlevé à un membre impunément.
(27) Si h = – g, on aura – h = g. En effet, h = – g par hypothèse, donc g + h = g g (par article 22). Donc g + h = 0 (par article 25) Donc (par le 23) g + hh = 0 – h. Donc (par le 22) g = 0 – h, c’est-à-dire (par le 26) g = – h.
(28) Et aussi : + g = –\overline{– g}, c’est-à-dire enlever –\overline{– g}, c’est la même chose qu’ajouter g. En effet, si h=–\overline{– g} on a  g = – h (par le 27). Donc dans la deuxième équation, en posant pour h la valeur prise dans la première, on aura g=–\overline{– g}, ce qui était proposé.
(29) Si une formule doit être ajoutée, on l’écrira en gardant les signes des membres. Soit e devant être ajouté à c, de sorte que l’on ait e + c, et soit c  = fa, on aura forcément e + c = e + fa. Ce qui est évident par simple substitution de ce à quoi c est égal, à la place de c lui-même.  En nombres : 4 = 6 – 2 deviendrait 5 + 4 = 5 + 6 – 2 = 9.
(30) Si une formule doit être soustraite, elle sera écrite en changeant les signes des membres, + en – et – en +. Soit c = fa, on aura – c = – f + a. En effet c = fa. Donc – c = – f –\overline{– a} (par l’article 24), mais –\overline{– a} est + a (par l’article 28), donc – c = – f + a. D’où aussi ec = ef + a. En nombres : si 4 = 6 – 2,  on aura – 4 = – 6 +2 et5 – 4 = 5 – 6 + 2 = 1.

(30.2)L’addition et la soustraction se résolvent et se servent mutuellement de preuve, de sorte que si à une somme tu enlèves ce que tu as ajouté, le reste est ce à quoi tu as ajouté. Soit e = a + b donnera eb = a. En effet puisque e = a + b, alors (par le 23) on aura eb = a + bb, qui sera ( par les 25 et 26) eb = a.

(30.3) Et inversement, si au reste tu ajoutes ce que tu as soustrait, la somme sera ce à quoi tu as soustrait. Soit eb = a donnera e = a + b. En effet parce que eb = a, on aura (par 23) eb + b = a + b. Donc (par 25 et 26) e = a + b.

(30.4) Dans toute équation, on peut enlever un membre quelconque d’un côté et le transférer à l’autre en changeant le signe, l’égalité étant préservée. Soit : e = fb + a sera ef + b = a. En effet parce que e = fb + a peut devenir (par 23) ef + b = fb + af + b, qui est (par 25 et 26) = a.

(31) La Multiplication est l’addition d’égaux, et si le même nombre est posé autant de fois qu’il y a d’unités dans un autre, le premier nombre est dit multiplié, le suivant multipliant, et la somme sera le produit. Ainsi 2 + 2 + 2 = 3 . 2, soit trois deux, et 2 est le multiplié, 3 le multipliant, et 3 . 2 ou trois deux, le produit. De même a + a + a = 3a , ou ba, en posant b = 3.
(32) On a de même un produit si le multipliant devient le multiplié et inversement. Ou encore 2 + 2 + 2, soit 3 . 2, est pareil que deux trois soit 2 . 3, soit 3 + 3.
Ce qui se démontre ainsi : Le multiplié 2 est posé autant de fois qu’il y a d’unités dans le multipliant 3 (par l’article 31). Mais le multiplié 2 est une collection d’unités (par l’article 3).  Donc, autant il y a d’unités dans le multiplié 2 est posé autant de fois qu’il y a d’unités dans le multipliant 3. Et ainsi, on applique autant d’unités qu’il y a dans le multiplié qu’il y a d’unités dans le multipliant. Donc inversement on applique autant d’unités dans le multipliant 3 au multiplié 2. Mais 3 est la même collection d’unités, donc on applique à autant d’unités que dans 2. Donc inversement 3 est multiplié, 2 multipliant.


C’est pourquoi 2 3 = 3 2, ou encore ab = ba. La multiplication sera indiquée en indiquant [sic] deux par trois, ou deux en trois, ou 2 par 3, ou 2 3, ou aˆb, ou ab.
(33) De même si trois ou plus sont multipliés l’un avec l’autre, le produit est le même quel que soit l’ordre. On aura abc = acb. Car bc = cb par la proposition précédente. Donc abc = acb, donc 2 • 3 4 est la même chose que 2 4 3 et produit dans l’un et l’autre cas 24.
(34) On a aussi bien abc = ab, c, c’est-à-dire ab par c, ou a, bc, puisque rien ne réfère à l’ordre dans lequel la multiplication doit être faite.
(35) C’est pourquoi on a abc = ac, b. Car abc = acb (par 33) et acb = ac, b par 34.
(35.2) Si des égaux sont multipliés par des égaux, les produits sont égaux. Soit a = b et l = m, on aura al = bm. En effet, al = al (par l’art. 10). Donc dans le deuxième membre al (si l’on veut) a peut être substitué par son égal b, et l peut être substitué par son égal m (par l’art. 8), d’où on obtient al = bm.
(36) +1, a, ou encore 1a, est = a ; c’est à dire rien ne change en multipliant par l’unité.
(37) Multiplier par 1 est la même chose que soustraire, c’est-à-dire poser soustractivement, ou encore –1, a = – a.
(38) – a par + b = – ab, c’est-à-dire ce que l’on dit communément : plus par moins ou moins par plus donne moins. En effet,  – a = –1 . a (par 37), donc – a par + b = –1, a, b = –1, ab = (par 37) – ab.
(39) – abc = – c, ab ou – b, ac. En effet – abc = – 1, abc (par 37) = – 1, c, ab (par 35) = – c, ab (par 37).
(40) – a par – b = + ab. C’est-à-dire ce que l’on dit communément : moins par moins donne plus. En effet, – a = – 1, a (par 37). Donc  – a, – b = a, –1, – b, mais – 1, –b=\overline{– b} (par 37) = + b (par 28). Donc a, –1, – b = ab. Donc – a, – b = ab.
(40 [Sic]) Si un nombre désigné par une formule composée de choses à ajouter ou à soustraire, et un nombre, lui désigné simplement, doivent être multipliés, il faut multiplier tour à tour chaque membre de la formule avec le nombre désigné simplement. Soit e = fb + a, on aura ce = cfcb + ca, on le voit de soi en nombres : si 5 = 6 – 3 + 2, on aura 4.5 = 4.6 – 4.3 + 4.2, soit après avoir accompli en acte les multiplications : 20 = 24 – 12 + 8.
(41) La multiplication de formule est donnée de deux manières soit en acte, comme à l’article 40, soit à titre indicatif, c’est-à-dire en abrégé. Et certes est employé pour la manière indicative le vinculum, ou d’autres signes distinctifs. Par exemple c par f = a + – b + c sera ainsi écrit c,  ou c, f – a + b ou c(fa + b).
[En marge : addition et soustraction, indicative et effective, Loi des homogènes] Et ainsi dans les nombres, si 4 devait être multiplié par 5 – 3 par exemple, nous écrirons 4 \overline{5 -3} ou bien 4, 5 – 3 ou bien 4 (5 – 3). Du reste, si nous omettions la notation de la distinction, et écrivions simplement pour désigner la multiplication de c par eb , ceb, on pourrait facilement entendre que ce serait comme ceb. Mais c multiplié par eb est bien autre chose, c’est-à-dire 4 multiplié par 5 – 3, il vient 8, tandis que si c’était ceb, c’est-à-dire que c soit multiplié par e, et que du produit soit retranché b, ou 4 . 5 – 3, soit 4 multiplié par 5, et du résultat retranché 3, cela donnerait en effet 17.


(42) Si une formule est multipliée par une formule, le produit sera la somme de tous les binions possibles, binions formés à partir de l’un quelconque des membres de l’une des formules par l’un quelconque de l’autre. Soit a + b + c  par   l + m + n
al + am + an         comme il apparaît par l’opération effective
cela fera            bm + bm + bn      Et les neuf
cl + cm + cn          binions pourraient être disposés en carré


(43) Si trois formules sont multipliées mutuellement, le produit sera la somme de tous les ternions possibles formés par multiplication à partir de trois membres, en en prenant un dans chaque formule. Ainsi a + b   par  l + m  par  s + t
als + alt              + ams + amt
bls + blt              +bms + bmt et les huit ternions pourraient être disposés en petits cubes de côté 2 pieds formés de 8 cubes de côté un pied [Ici Leibniz a inséré plusieurs petits schémas qui ne l’ont pas satisfait et qu’il a barré pour les remplacer visiblement par le schéma dessiné en début de page]. Les quatre formules peuvent être multipliées l’une avec l’autre de la façon dite pour produire tous les quaternions, et ainsi de suite

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